>>Des habitants pris au piège, le feu se rapproche de Sydney
>>Australie : l'état d'urgence déclaré dans l'est suite à des feux de brousse
Le Premier ministre australien Scott Morrison (gauche) dans un centre pour personnes évacuées à Taree, à 350 km au nord de Sydney, le 10 novembre |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Les feux sont de saison, mais ils ont surpris cette année par leur précocité, leur intensité et leur ampleur, en tuant quatre personnes. Et pour beaucoup d'habitants de la côte est, ils sont la matérialisation, chez eux, d'un péril qui n'est plus simplement théorique. "Toute la côte est brûle", se désole Julie Jones, dont la maison dans les Montagnes bleues, en Nouvelle-Galles du Sud, a failli partir en fumée. "Je crois que c'est le changement climatique."
Plusieurs ex-responsables des pompiers sont montés au créneau jeudi 14 novembre, avertissant que le réchauffement du climat contribuait à "booster" le problème des incendies et pointant la passivité du Premier ministre Scott Morrison sur le sujet. "Je suis fondamentalement inquiet quant à l'impact et les dégâts liés au changement climatique", a déclaré Lee Johnson, un ancien chef des pompiers. "+Sans précédent+ est une expression qui a beaucoup été utilisée. Mais dans le cas présent, elle est adaptée".
Pendant des jours, le chef du gouvernement s'est absolument refusé à répondre aux questions sur le lien avec le changement climatique, s'abritant derrière l'urgence de l'aide aux victimes alors même que des habitants l'interpellaient à ce sujet pendant ses déplacements sur le terrain. Issu du Parti libéral, M. Morrison reconnaît la réalité du réchauffement climatique. Mais il affirme que le problème peut se gérer sans pénaliser l'économie. Il est un ardent défenseur de l'industrie minière australienne, qui représente 70% des exportations nationales.
Alors ministre des Finances, il avait défrayé la chronique en 2017 en brandissant comme un trophée dans la Chambre des représentants un morceau de charbon et en lançant ironiquement à l'assistance : "N'ayez pas peur !" Il vient d'annoncer que son gouvernement allait sévir contre la frange radicale écologiste prônant des "actions de boycott secondaire" pour pousser les entreprises à ne pas conclure d'accord avec l'industrie minière.
M. Morrison oppose une fin de non-recevoir à ceux qui lui demandent d'en faire davantage pour le climat, tout en assurant que son pays tiendra ses engagements de réduire ses émissions de 26% à 28%, par rapport à leur niveau de 2005, d'ici 2030.
"Écolos illuminés"
Il a encore durci le ton depuis sa victoire surprise aux élections en mai. Certains considèrent que son pari de soutenir un projet minier controversé du groupe indien Adani dans le Queensland, avant le scrutin, avait fait pencher la balance.
Un avion déverse du retardateur de feu sur un incendie hors de contrôle près de Taree, à 350 km au nord de Sydney, le 12 novembre. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Quand les Verts ont encore cette semaine dénoncé la politique climatique du gouvernement, la riposte du vice-Premier ministre Michael McCormack a été cinglante : "Au moment où les gens essaient de sauver leur maison, on n'a pas besoin des délires de certains écolos illuminés au grand coeur qui vivent dans les grandes villes." Une position de plus en plus compliquée vu l'ampleur de la catastrophe.
Après des plusieurs jours à coordonner l'action des pompiers des zones rurales de Nouvelle-Galles du Sud, leur chef, le commissaire Shane Fitzsimmons a clairement fait le lien avec les dérèglements climatiques. "Nous sommes conscients du fait que la science estime que la saison des incendies commence plus tôt et dure plus longtemps", a-t-il dit mercredi 13 novembre. Le Bureau de météorologie, une agence qui dépend du gouvernement, a d'ailleurs lui-même reconnu que le réchauffement climatique, provoqué par les activités humaines, avait un "impact sur la fréquence et la gravité des incendies".
Les scientifiques établissent un lien indiscutable entre le réchauffement et les incendies, même si les interactions sont complexes et que d'autres paramètres entrent en jeu, comme la température de l'océan Indien ou l'évolution des masses d'air en Antarctique. "Les feux de forêts ne sont pas directement attribuables au changement climatique, explique Janet Stanley de l'Université de Melbourne. Cependant, le réchauffement rapide du climat rend les incendies plus fréquents et plus intenses".
"La montagne de preuves irréfutables liant le réchauffement climatique et les feux fait que l'absence d'action du gouvernement fédéral, et même son silence, sont extrêmement difficiles à expliquer." À en croire un sondage de L'Institut australien, 81% des Australiens redoutent que le réchauffement n'entraîne davantage de sécheresses et d'inondations, et 64% souhaitent que le gouvernement se fixe un objectif de zéro émission en 2050. "Le problème ne disparaîtra pas en se mettant la tête dans le sable", a résumé Claire Pontin, maire adjointe d'une localité de Nouvelle-Galles du Sud ravagée par les flammes.
AFP/VNA/CVN